Un savoir ancestral pour de nouveaux concepts....
Depuis l’antiquité, les hommes connaissent les phénomènes de fermentation des aliments qui favorisent leur conservation. Plus récemment, les chercheurs ont découvert l'influence bénéfique des bactéries lactiques sur la flore intestinale et plus globalement sur la santé humaine.
Aujourd'hui, par la mise en œuvre de technologies modernes de plus en plus sophistiquées, l'homme est devenu capable de sélectionner certaines souches, rares, dont l’effet positif sur la santé est scientifiquement démontré. Il devient alors possible à l’utilisateur et au consommateur de choisir avec discernement parmi les produits nutritionnels ou thérapeutiques régulateurs de la flore intestinale, en fonction de données objectives.
Chacun sa flore : diversité entre les hommes et stabilité individuelle
À la naissance, le tube digestif est totalement stérile. La flore bactérienne intestinale se met en place chez le nouveau-né dès les premières heures de sa naissance. En quelques jours, une population microbienne spécifique s’installe. Cette colonisation s’organise sous forme de populations diverses qui s’établissent en équilibre. L’aspect définitif de la flore est atteint vers l’âge de 4 ans. L’individu est alors doté d’un véritable organe symbiotique qui l’accompagnera tout au long de sa vie.
La composition qualitative et quantitative de cette flore intestinale est propre à chaque individu : la proportion relative entre les micro-organismes varie individuellement pour chacun de nous. Par contre, pour un hôte donné, la flore intestinale présente une relative stabilité qualitative et quantitative, grâce à la mise en œuvre de système de régulation. On parle de « flore résidente ».
La flore intestinale résidente ou en endogène (présente de façon permanente dans l’intestin et capable de s’y multiplier) correspond à une population 1014 micro-organismes. Plus de 400 espèces ont été identifiées mais un individu donné ne possède que certaines de ces espèces. Au sein de la flore résidente, il convient de distinguer la flore dominante et la flore sous-dominante :
Sur un plan quantitatif, la flore dominante représente 1.000 bactéries pour 1 seule de la flore sous-dominante.
La sélection des souches bénéfique capacité dans terreau adhérence
La capacité d’adhérence à l’intestin ou « d’entéro-adhérence » est considérée comme la condition essentielle pour que les micro-organismes probiotiques puissent revendiquer un effet d’ordre biologique. Cette adhésion est en effet la première étape d’action des bactéries néfastes et, pour s’opposer, les bactéries bénéfiques doivent elles aussi être capables d’adhérer.
Depuis une dizaine d’années seulement, les chercheurs disposent de systèmes cellulaires standardisés qui miment les caractéristiques morphologiques et physiologiques de l’intestin humain. Ces modèles cellulaires dont les plus reconnus sont Caco-2 et HT-29, ont permis de mesurer la capacité d’entéro-adhérence de nombreuses bactéries lactiques, et ainsi de sélectionner ces souches en fonction de leur potentiel probiotique
L’homme court le 100 mètres en moins de 10 secondes mais pas tous les hommes
Les résultats des tests publiés dans des revues internationales montrent en fait que seulement de très rares souches de ferments lactiques possèdent un fort pouvoir d’entéro-adhérence aux entérocytes : le Lactobacillus acidophilus LA1, le Lactobacillus acidophilus LB et, dans une moindre mesure, le Lactobacillus casei GG. Ces trois souches sont d’origine humaine. Les autres germes étudiés expriment une faible ou une très faible capacité d’entéro-adhérence.
Ainsi, l’entéro-adhérence, revendiquée de façon générique pour de nombreux germes comme une propriété générale des ferments lactiques, n’a en réalité été démontrée que pour un nombre très réduit de souches. Quelques rares équipes de recherche très pointues sont spécialisées dans ce domaine comme l’Inserm qui publie depuis plus de 10 ans de nombreux articles internationaux sur la souche de L. acidophilus LB, faisant état de la capacité d’entéro-adhérence de cette souche.
Pour un ferment lactique donné, la capacité d’entéro-adhérence démontrée est un critère essentiel permettant au thérapeute de choisir un probiotique de façon éclairée.
L’effet barrière et concept de prébiotique
L’action la plus importante de la microflore est le rôle protecteur contre la colonisation par des bactéries exogènes néfastes. Cette action est appelée « effet barrière ». La capacité de résistance de l’intestin à l’infection par les bactéries défavorables provenant de l’extérieur, est étroitement lié au bon état de sa flore.
L’effet barrière est exercé uniquement par les bactéries de la flore résidente dominante. Les mécanismes de défense passent par l’intermédiaire de synergies et de coopérations inter-bactériennes : compétition au niveau des sites d’attachement sur la muqueuse, production de métabolites toxiques.
Afin de supplémenter l’organisme dont la flore est dégradée, il est apparu logique, dans un premier temps, de modifier la composition de la flore en administrant à l’hôte des germes vivants à visée bénéfique : on parle alors de « probiotique ». Outre que les bactéries apportées sont généralement des lactobacilles ou des levures, c’est-à-dire des germes n’appartenant pas à la flore résidente dominante, il s’agit d’un apport massif et uniforme qui ne tient pas compte de la particularité de chaque individu, ni de la variété des germes constitutifs de la flore normale.
Comment savoir si un germe d’origine exogène, souvent d’origine animale ou végétale, n’ayant généralement pas fait la preuve de sa capacité d’entéro-adhérence, peut s’intégrer dans la complexité de notre écosystème humain ?
De plus, l’efficacité d’une flore probiotique de remplacement constituée de germes vivants extérieurs est soumise à de très nombreux paramètres difficilement maîtrisable : résistance au pH acide lors du passage dans l’estomac, adhésion réelle à l’entérocyte, « revivification » au niveau intestinal des germes administrés à partir de préparations sèches. Des phénomènes négatifs sont également observés : translocations (passage du germe extérieur à travers la muqueuse dans la circulation générale) avec risques exceptionnels de septicémies ou d’endocardites, phénomènes auto-immunes (fièvre, arthrite), transport de résistances plasmidiques aux antibiotiques potentiellement transférables.
Ainsi est né le concept de « prébiotique » : un prébiotique est un composé qui stimule de façon sélective la croissance et/ou l’activité de la flore intestinale propre à l’individu, et améliore de ce fait l’état de santé de l’hôte (d’après Gibson et Roberfroid 1995). Les oligo-saccharides ou certaines fibres alimentaires appartiennent à cette catégorie. Mais récemment, le milieu de culture fermenté de certains ferments lactiques entéro-adhérents a démontré une forte activité prébiotique. En particulier, des travaux de l’Inserm ont mis en évidence, publications internationales à l’appui, une activité antimicrobienne directe de surnageants fermentés vis-à-vis d’un grand éventail de bactéries néfastes (Salmonella, Escherichia coli, Helicobacter pylori…). Ces milieux de culture fermentés ne contiennent plus la bactérie vivante qui s’y est multipliée mais ils referment de nombreux métabolites libérés par le micro-organisme pendant le processus de fermentation. Certains de ses métabolites s’opposent à l’implantation et à l’expression des germes délétères, et exercent un effet favorable sur la flore résidente endogène. Sur le plan de la sécurité, l’absence de germes vivants est une garantie supplémentaire pour le consommateur.
En conclusion
Les méthodes modernes d’investigation pharmacologique ont permis d’identifier quelques rares souches lactiques performantes, possédant en particulier une forte capacité d’entéro-adhérence à l’entérocyte. Cette capacité peut être reliée à un effet probiotique sur la flore intestinale.
Les mêmes outils de recherche pharmacologique ont été utilisés pour définir un nouveau concept : celui de « prébiotique ». Le milieu de culture fermenté de souches entéro-adhérentes répondent à la définition. Ils manifestent un double effet, favorable sur la flore endogène et antimicrobien direct sur les bactéries néfastes, dans un contexte de sécurité renforcée.
Les connaissances ancestrales ne sont pas remises en cause par ces investigations récentes mais le thérapeute peut désormais éclairer et valider ses choix par des données scientifiques de haut niveau.
Serge Léautier